Buhari réhabilite le vainqueur présumé des élections de 1993
Le président Muhammadu Buhari a décidé de faire du 12 juin, le jour de l’instauration de la démocratie au Nigeria.Il s’agit d’une mesure forte pour marquer le 12 juin 1993, une date qui symbolise la brutalité avec laquelle les dictatures militaires ont écrasé les espoirs de retour à la démocratie.Ce jour serait désormais férié, « jour de la démocratie ».
Le 12 juin 1993, Ibrahim Babangida, qui avait pris le pouvoir par un coup d’Etat en 1985, organisa des élections, après des reports répétés.Les observateurs locaux et internationaux saluèrent alors le scrutin le plus juste, libre et pacifique qu’ait connu le Nigeria.Mais le vote fut annulé alors que l’homme d’affaires, Moshood Abiola est en passe de le remporter face au général Babangida.
L’annulation de l’élection déclencha alors une crise politique et une telle protestation populaire que Babangida fut obligé de démissionner en août de la même année.Avant de se retirer, il nomma un gouvernement civil intérimaire, mais celui-ci fut renversé trois mois plus tard par le général Sani Abacha, qui interdit aussitôt les partis politiques et fit arrêter Abiola.
Condamné pour trahison, pour s’être autoproclamé vainqueur de l’élection, Abiola tomba malade et mourut en prison en 1998, à peine un mois après la disparition dans des circonstances inexpliquées du général Abacha.
Les civils revinrent au pouvoir l’année suivante, avec l’élection d’un autre ex-militaire, Olusegun Obasanjo, comme président de la quatrième république.
En célébrant ce 12 juin Jour de la démocratie, Muhammadu Buhari réhabilite donc Moshood Abiola. Ce jour existait déjà, mais il était, jusque cette année, célébré le 29 mai. Le président l’a simplement déplacé au 12 juin érigeant ainsi Moshood Abiola en symbole de la démocratie. Il a même été nommé grand commandeur de la République fédérale à titre posthume, une distinction d’ordinaire réservée aux anciens chefs d’Etat.
« Bien que cela vienne tardivement, 25 ans après, nous sommes heureux que la victoire d’Abiola soit enfin reconnue », a déclaré Yinka Oduamkin, du mouvement Afenifere, qui représente les intérêts du groupe ethnique yorouba.
Mais pour certains, l’acte posé par Buhari est davantage une manœuvre politique à l’approche de la présidentielle prévue en février prochain qu’une volonté de corriger les erreurs du passé.
Buhari, 75 ans, espère briguer un second mandat de quatre ans, malgré les doutes sur son état de santé fragile, après avoir passé de longs mois à Londres pour se faire soigner d’une maladie non révélée.